L'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation

Créée dans le but d’améliorer la situation des victimes d’accidents de la route, la loi Badinter du 5 juillet 1985 est la référence en matière d’indemnisation pour ces victimes, et dont les contours ont progressivement été précisés par la jurisprudence. 
Selon ce texte, la définition donnée à un accident de la route est faite par la réunion de trois conditions cumulatives : un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, que ce dernier soit ou non en mouvement. 
Au travers de trois questions, Maître Pascal LENOIR revient sur la procédure d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation. 

Qui sont les victimes d’accidents de la circulation ? 

La loi Badinter distingue deux catégories de victimes d’accidents de la route : 

  • Les victimes non conductrices : il s’agit de toutes celles qui n’avaient pas la maîtrise du véhicule impliqué dans l’accident, comme les piétons, les cyclistes, les passagers des véhicules en cause dans l’accident, mais également les victimes par ricochet, soit les proches de la victime directe, lesquels subissent un préjudice en conséquence des dommages causés à la victime directe. 
  • Les victimes conductrices : celles qui avaient la maîtrise d’un véhicule au moment de l’accident, et dont l’indemnisation dépend de l’absence de faute ayant concouru à la réalisation du dommage.

Quelles sont les étapes de la procédure d’indemnisation ? 

Lors de la survenance d’un accident de la circulation causant des dommages, les victimes doivent déclarer l’accident à leurs assureurs, notamment par le biais du constat amiable, puisqu’il appartient à l’assureur du véhicule responsable de l’accident d’indemniser les victimes, sinon par le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommage (FGAO) lorsque le conducteur responsable n’est pas assuré ou inconnu comme lors d’un délit de fuite. 

Le début de la procédure est généralement marqué par un examen médical à l’initiative de l’assureur en charge de proposer l’indemnisation, laquelle peut être assistée du médecin de son choix. 

À la suite de cet examen, l’assureur propose une offre d’indemnisation, présentant l’ensemble des postes de réparation indemnisés. Cette offre intervient dans les trois mois à compter de la formulation de la demande et au maximum dans un délai de huit mois maximum à compter de l’accident. Lorsque l’état de la victime est consolidé, l’offre d’indemnisation ne peut pas être présentée au-delà de cinq mois après la consolidation. 

Lorsque l’offre est acceptée, un procès-verbal est communiqué à la victime qui peut encore se rétracter dans un délai de quinze jours à partir de sa réception, sinon l’assureur verse l’indemnisation au plus tard un mois après ce délai de rétractation. 

Quel montant pour l’indemnisation ? 

Le montant de l’indemnisation accordée par l’assureur à la victime dépend de l’expertise réalisée par le médecin mandaté. 

En matière d’indemnisation, il n’existe pas de barème officiel, mais en tout état de cause la victime bénéficie d’un droit à une réparation intégrale de ses préjudices avec prise en compte de son âge, en fonction de l’évaluation des préjudices et séquelles constatées et l’évaluation de ses besoins postconsolidation. 

La mise en jeu d’intérêts divergeant entre l’assureur et la victime nécessite pour cette dernière l’accompagnement d’un avocat spécialisé en réparation des dommages corporels, dès le début de la procédure. 

Un médecin tient un stéthoscope dans la salle d'attente d'un hôpital.
15 mai 2024
Découvrez comment la perte de chance de survie peut donner droit à une indemnisation en cas d'erreur médicale ou de soins manquants
Une femme se tient debout à côté d'un homme en fauteuil roulant.
15 mai 2024
Découvrez l'assistance par tierce personne, son rôle dans l'indemnisation des victimes d'accidents et comment évaluer le préjudice économique associé
Une femme se tient à côté d'un garçon en fauteuil roulant.
15 mai 2024
La PCH pour un enfant handicapé ne peut pas être déduite de l'indemnisation liée à une erreur médicale. La Cour de cassation l'explique en détail
Deux chirurgiens opèrent un patient dans une salle d'opération.
9 mai 2024
Le remariage doit-il influencer l’indemnisation du préjudice économique ? Découvrez les récentes précisions apportées par la Cour de cassation
Une femme enveloppe sa main dans un bandage.
9 mai 2024
Découvrez comment le barème de capitalisation impacte l’indemnisation des victimes et pourquoi le choix de ce barème peut influencer la réparation intégrale
Une personne utilise une calculatrice et tient un stylo.
9 mai 2024
Précisions sur le calcul de l'indemnité pour le préjudice économique des ayants droit d'une victime de l'amiante selon la Cour de cassation.
9 mai 2024
En matière de préjudice corporel, le déficit fonctionnel permanent (DFP) est un préjudice non économique, qui porte sur l’ensemble des altérations consécutives au dommage et qui persistent une fois la consolidation de l’état de la victime prononcé. Actuellement, il n’existe aucune règle commune permettant de déterminer le mode de calcul concernant sa réparation. La Commission européenne définit le déficit fonctionnel permanent comme « la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable », et la nomenclature Dintilhac lui donne comme caractérisation : « la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’état séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours ». L’offre d’indemnisation relative à ce poste de préjudice consiste à réparer l’ensemble des incidents qui affectent la sphère personnelle de la victime et dont l’incapacité est définitive, après consolidation de son état. Il s’agira classiquement, de réparer la perte générale de la qualité de vie pour la victime, d’atteintes à ses fonctions physiologiques ou de toutes douleurs ressenties post-consolidation. Concernant l’évaluation de ce poste de préjudice, celle-ci est réalisée postérieurement à la consolidation de l’état de la victime. En pratique, l’indemnisation résulte des précédentes décisions prises par les tribunaux, bien qu’il existe à titre indicatif, plusieurs référentiels : barème des Cours d’appel d’Agen, Angers, Bordeaux, Limoges, Pau, Poitiers,Toulouse, le référentiel Mornet, etc. En tout état de cause, comme pour l’ensemble des indemnisations, le déficit fonctionnel permanent correspond à l’AIPP (l’atteinte à l’intégrité physique et psychique de la victime), et est exprimé en pourcentage, lequel varie entre 1% et 100% , correspondant à la réduction des capacités physiques, psychosensorielles et cognitives que connaît la victime. Le médecin expert est chargé de fixer le taux d’indemnisation lors de la consolidation de l’état de la victime, il se réfère traditionnellement au barème officiel du concours médical, et lorsque ce taux est contesté, le juge le détermine par appréciation de l’âge de la victime, le taux fixé par le médecin expert en plus des jurisprudences antérieures en la matière. Pour le calcul de l’indemnisation, celle-ci est déterminée en fonction de la valeur du point , laquelle tient compte de l’âge de la victime et du taux de déficit fixé par le médecin expert. Toutefois, la valeur du point ne fait pas l’objet d’un barème commun, chaque Tribunal est libre de fixer son propre référentiel. Le point évolue à la hausse plus la victime est âgée. À titre d’exemple, et par application du référentiel propre aux Cours d’Appel d’Agen, Angers, Bordeaux, Limoges, Pau, Poitiers, Toulouse, une victime âgée de 26 ans présentant un taux de DFP de 44% bénéficiera d’une valeur du point fixée à 2 740. Le calcul définitif pour l’indemnisation sera la valeur du point, multipliée par le taux de déficit fonctionnel permanent. Dans notre exemple : 2 740 x 44 = 120 560 euros.
9 mai 2024
Du latin « nosocomium » qui signifie « hôpital », la définition des infections nosocomiales, également appelées infections hospitalières, a été consacrée par la jurisprudence du Conseil d’État (23 mars 2018 n°402237) comme « une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient qui n’était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s’il est établi qu’elle a une autre origine que la prise en charge ». Au niveau européen, une recommandation du Conseil de l’Europe de 1984 n°R (84) 20, définit les infections hospitalières comme « toute maladie contractée à l'hôpital, due à des micro-organismes, cliniquement ou/et microbiologiquement reconnaissable, qui affecte soit le malade du fait de son admission à l'hôpital ou des soins qu'il y a reçus, en tant que patient hospitalisé ou en traitement ambulatoire, soit le personnel hospitalier, du fait de son activité, que les symptômes de la maladie apparaissent ou non pendant que l'intéressé se trouve à l'hôpital ». Le Code de la santé publique quant à lui adopte une explication plus raccourcie : « Les infections associées aux soins contractées dans un établissement de santé sont dites infections nosocomiales » (R 6111-6). Des idées communes réunissent ces définitions : les infections nosocomiales seraient celles qui apparaîtraient au cours de de la prise en charge du patient, sinon postérieurement à celle-ci, mais qui ne seraient pas présentes ni en germe , lors de son admission . La définition de ce type d’infections posée, il convient d’étudier les responsabilités en jeu, et notamment les garanties de prises en charge des victimes, dont peut par ailleurs faire partie le personnel soignant. En effet, les infections nosocomiales par contraction d’un staphylocoque doré, d’une contamination de la bactérie Escherichia coli ou Pseudomonas aeruginosa, à titre d’exemple, peuvent provoquer des pneumonies, des infections urinaires, voire des septicémies, pouvant entraîner des séquelles physiques ou psychiques permanentes , voire s’avérer mortelles. Sur le plan civil, la jurisprudence Mercier de la Cour de cassation de 1936, voudrait que, compte tenu du caractère aléatoire des actes médicaux, les médecins et plus largement les établissements de santé, soient tenus à une obligation de moyens en matière de responsabilité médicale, c’est-à-dire de mettre tout en œuvre pour soigner les patients. Pourtant, une obligation de sécurité de résultat , contraignant les professionnels à atteindre le résultat escompté, s’est progressivement installée concernant la pratique et les actes des professionnels de santé, comme en matière de matériel médical, d’accidents thérapeutiques, etc. engageant de plein droit leur responsabilité, sauf à pouvoir renverser la charge de la preuve . Cette situation s’illustre concernant les infections nosocomiales par l’article L 1142-1, qui en matière de responsabilité des professionnels de santé eu égard de ces infections, précise que : « Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ». Il s’agit ici d’une responsabilité sans faute et irréfragable du professionnel de soin, engagée dès lors que le patient est en mesure de prouver qu’il a contracté l’infection nosocomiale au cours de son séjour , et dont seule la cause étrangère rapportée par les médecins peut exclure leur responsabilité. À ce titre, des décisions successives ont refusé d’admettre comme causes étrangères le diabète du patient, ses prédispositions immunitaires, son âge, son état de santé antérieur, etc. Ainsi, et en vertu de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, et dès lors que l’infection nosocomiale a eu des conséquences graves chez le patient comme un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % , le décès de la victime ou que l’infection a été causée en raison d’une intervention dehors du champ d’ activité de prévention, de diagnostic ou de soins , elle est prise en charge au titre de la solidarité nationale par l’Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) . Si les conséquences ne sont pas aussi importantes, c’est à l’assurance de l’établissement de santé que revient la charge d’indemniser la victime. Toutefois, s’il peut être démontré que l’infection nosocomiale a été contractée en raison d’une cause étrangère en dehors de toute responsabilité des professionnels de soin, l’ONIAM peut indemniser la victime sous certaines conditions.
9 mai 2024
Dans l’arrêt objet de notre étude mensuelle, il est question de savoir si l’intervention de l’équipe médicale réalisée afin d’éviter la survenance d’un dommage, mais qui en a cependant créé un autre, peut atténuer la responsabilité pour faute médicale et par conséquent abaisser l’indemnisation. En l’espèce, une femme enceinte est admise dans un établissement hospitalier pour donner naissance à son enfant. Or, il apparaît que le poids de l’enfant est estimé à plus de cinq kilos, ce qui a pour conséquence d’entraîner au moment de l’accouchement une dystocie des épaules du bébé (absence totale d'engagement des épaules dans le bassin malgré l’engagement de la tête du nourrisson). Pour éviter les risques de complication et mettre en danger la vie de la mère et du bébé, l’équipe obstétricale mène alors des manœuvres afin d’extraire l’enfant, mais qui ont pour conséquence de paralyser les nerfs commandant les bras du nourrisson. À la suite de poursuites, l’établissement est condamné à indemniser la victime, mais par appel de la décision obtient une diminution des indemnités à hauteur de 7800 euros. En effet, la Cour administrative d’appel a statué sur le fondement de la perte de chance d’éviter le préjudice final, en matière d’incertitude quant à la réalisation ou non du dommage si les manœuvres pour la naissance avaient été parfaitement adaptées. La Cour pour fonder sa décision a retenu l’absence pour la mère du respect des consignes de grossesse en matière d’hygiène alimentaire et d’activité physique, lesquelles ont provoqué le surpoids de l’enfant et donc a accru le risque de dystocie des épaules, ainsi que le fait pour les soignants d’avoir réagi avec rapidité en obtenant après la manœuvre fautive, l’expulsion du fœtus, ramenant ainsi le taux de perte de chance à 15% au lieu des 50% estimés par les experts. Devant le Conseil d’État, les parents de la victime reprochent aux juges du fond d’avoir réduit le taux d’indemnisation, en réduisant le taux de perte de chance pourtant imputable à la faute commise par l’équipe obstétricale. La Haute juridiction administrative rend la décision suivante : « Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d’un patient dans un établissement public de santé a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage advienne. La réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel, déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue ». L’appréciation réalisée par la Cour administrative d’appel constitue selon le Conseil d’État une erreur de droit qui rappelle que, ni les manœuvres obstétricales qui ont par ailleurs eu pour conséquence de ne pas aggraver la situation et non pas de l’améliorer, ni l’état physique de la mère au moment de l’accouchement ne justifient la réduction du taux de perte de chance puisque ce taux est déterminé selon la probabilité d’un accouchement dystocique en l’absence de toute faute de l’établissement. Référence de l’arrêt : Conseil d’État - 5ème et 6ème chambre réunies, 6 mai 2021 n° 428154
9 mai 2024
Il existe un adage juridique « Infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus habetur » qui permet de juger qu’un enfant est considéré comme né, chaque fois qu'il pourra en tirer avantage. Cet adage est notamment utilisé par les juridictions en cas de décès d’un des parents postérieurement à la conception de l’enfant, mais préalablement à sa naissance. Sur le postulat de cet adage, l’enfant qui était conçu au moment du décès de son grand-père, victime directe d’une infraction, peut-il prétendre à la réparation du préjudice que lui cause le décès du membre de sa famille ? Question complexe à laquelle la Cour de cassation a répondu à l’affirmative en début d’année 2021. Dans les faits en question, un homme a été assassiné par arme blanche et l’auteur de l’infraction est déclaré coupable par une Cour d’assises. Après avoir obtenu, par un arrêt civil rendu par cette cour d’assises, une certaine somme à titre de dommages et intérêts, la mère de l’enfant, petite-fille de la victime, conçue au moment des faits, saisit une commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) pour voir réparer le préjudice moral subi par sa fille. La Cour d’appel devant laquelle est porté le litige fait droit à sa demande en retenant que l’enfant a définitivement été privée de la présence de son grand-père et de la possibilité de le connaître , et que ce préjudice était dû au décès de son aïeul « lui-même dû à un fait volontaire présentant le caractère matériel d’une infraction survenue après sa conception, même si elle n’était pas née ». La juridiction de second degré retient également que le préjudice est constitué par le fait que l’enfant ne pourrait connaître son grand-père « qu’au travers des souvenirs évoqués par les autres membres de la famille ». Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions, chargé d’indemniser la victime forme un pourvoi en cassation. Il évoque en appui à sa demande, qu’il n’existe pas de lien de causalité entre le décès de la victime et le dommage moral invoqué par l’enfant né après le décès de son grand-père, et que pour caractériser le préjudice, la Cour d’appel s’est fondée sur un motif inopérant ne permettant pas de prouver l’existence d’un préjudice d’affection indemnisable. Pourtant, la Cour de cassation confirme la décision rendue en retenant que « L’enfant qui était conçu au moment du décès de la victime directe de faits présentant le caractère matériel d’une infraction peut demander réparation du préjudice que lui cause ce décès ». Pour faire droit à la demande d’indemnisation, la Haute juridiction retient le fait que l’enfant était conçue au jour de l’infraction , fait générateur de la privation de son aïeul. Elle juge en conséquence que l’enfant est nécessairement privée de la présence de ce proche, indépendamment d’avoir à apporter la preuve que des liens affectifs auraient été réellement entretenus entre l’enfant et son grand-père, si elle l’avait connu. Référence de l’arrêt : Cass. civ 2ème 11 février 2021 n° 19-23.525
Afficher plus
Share by: