Il existe un adage juridique « Infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus habetur » qui permet de juger qu’un enfant est considéré comme né, chaque fois qu'il pourra en tirer avantage. Cet adage est notamment utilisé par les juridictions en cas de décès d’un des parents postérieurement à la conception de l’enfant, mais préalablement à sa naissance.
Sur le postulat de cet adage, l’enfant qui était conçu au moment du décès de son grand-père, victime directe d’une infraction, peut-il prétendre à la réparation du préjudice que lui cause le décès du membre de sa famille ?
Question complexe à laquelle la Cour de cassation a répondu à l’affirmative en début d’année 2021.
Dans les faits en question, un homme a été assassiné par arme blanche et l’auteur de l’infraction est déclaré coupable par une Cour d’assises.
Après avoir obtenu, par un arrêt civil rendu par cette cour d’assises, une certaine somme à titre de dommages et intérêts, la mère de l’enfant, petite-fille de la victime, conçue au moment des faits, saisit une commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) pour voir réparer le préjudice moral subi par sa fille.
La Cour d’appel devant laquelle est porté le litige fait droit à sa demande en retenant que l’enfant a définitivement été privée de la présence de son grand-père et de la possibilité de le connaître, et que ce préjudice était dû au décès de son aïeul « lui-même dû à un fait volontaire présentant le caractère matériel d’une infraction survenue après sa conception, même si elle n’était pas née ». La juridiction de second degré retient également que le préjudice est constitué par le fait que l’enfant ne pourrait connaître son grand-père « qu’au travers des souvenirs évoqués par les autres membres de la famille ».
Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions, chargé d’indemniser la victime forme un pourvoi en cassation. Il évoque en appui à sa demande, qu’il n’existe pas de lien de causalité entre le décès de la victime et le dommage moral invoqué par l’enfant né après le décès de son grand-père, et que pour caractériser le préjudice, la Cour d’appel s’est fondée sur un motif inopérant ne permettant pas de prouver l’existence d’un préjudice d’affection indemnisable.
Pourtant, la Cour de cassation confirme la décision rendue en retenant que « L’enfant qui était conçu au moment du décès de la victime directe de faits présentant le caractère matériel d’une infraction peut demander réparation du préjudice que lui cause ce décès ».
Pour faire droit à la demande d’indemnisation, la Haute juridiction retient le fait que l’enfant était conçue au jour de l’infraction, fait générateur de la privation de son aïeul. Elle juge en conséquence que l’enfant est nécessairement privée de la présence de ce proche, indépendamment d’avoir à apporter la preuve que des liens affectifs auraient été réellement entretenus entre l’enfant et son grand-père, si elle l’avait connu.
Référence de l’arrêt : Cass. civ 2ème 11 février 2021 n°19-23.525
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